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Entretien réalisé avec Johann Milh à l’occasion de l’exposition « Violet de France », qui présente un ensemble d’œuvres récentes réalisé à l’issue de sa résidence artistique en Inde début 2019.

Combien de temps a duré ton séjour en Inde ?
Six semaines. De mi-décembre à mi-février.

C’était où exactement ?
Au sud du pays. À Hyderabad, la capitale de l’État du Télangana.

Une ville importante ?
Par sa population, c’est la sixième ville d’Inde avec 10 millions d’habitants. Elle est très active sur les industries de pointe. Après Bangalore, c’est l’autre Silicon Valley indienne, mais ça reste l’Inde, chaotique et anarchique avec des routes défoncées, pas de trottoir, ni vraiment de transport en commun. On l’appelle aussi la cité des perles.

Pour quelle raison ?
Jusqu’au 18ème siècle, l’Inde était le principal producteur de diamants au monde. L’un des gisements principaux se situait au royaume de Golconde, à savoir sur l’emplacement de l’actuelle Hyderabad. L’opulence, le faste et la richesse de la ville se sont construits sur ces ressources naturelles. La plupart des monuments de cette époque-là sont d’ailleurs flanqués de dômes en facettes sculptées comme des diamants.

Tu as poussé cette piste diamantaire plus loin ?
En faisant des recherches, j’ai découvert que nombre de diamants mythiques avaient été extraits des mines de Golconde. Et notamment le diamant bleu de Louis XIV, aussi appelé Bleu de France, Violet de France [NDLR. en anglais : French Blue, d’où le nom actuel] ou Bleu de Tavernier, du nom du négociant français qui l’a rapporté d’Inde pour le vendre à Louis XIV. Volé en 1792 avec les Joyaux de la Couronne de France, on perd ensuite sa trace. Il ressurgit retaillé dans la collection d’un nouvel acquéreur, Thomas Hope, un banquier et mécène des Lumières qui en fera don aux Joyaux de la Couronne  britannique. Baptisé dès lors le Hope, il est conservé aujourd’hui au National Museum of Natural History à Washington…

En fait, l’histoire du Violet de France est alimenté par tout un tas de récits fabuleux, d’évènements historiques, de tragédies et de malédictions qui ont accablé ses différents propriétaires à commencer par la légende même du diamant qui veut que le voleur aurait subtilisé cette pierre sur une statue de la déesse Sitâ avant d’être frappé par la foudre.

Qu’est ce qui t’as intéressé dans l’odyssée de cet objet ?
L’idée que cette compression géologique voire astrale soit transformée en signe de distinction et de pouvoir… cette distance entre sa nature et sa fonction culturelle jalonnée par toutes ces péripéties qui en ont construit l’histoire et l’aura… Ça m’a beaucoup fasciné. En fait, pour moi, ça faisait écho à mes réflexions sur la peinture, sur l’exploitation de la nature et le rapport qu’on entretient avec les objets manufacturés.

C’est-à-dire ?
Entre le diamant et la peinture il y a un parallèle assez manifeste: celle d’un objet en transit qui circule. Pour la peinture : de l’atelier à la galerie, du centre d’art au musée, de l’artiste au spectateur, du galeriste au collectionneur. C’est un objet organique fait d’huile qui dépasse sa simple matérialité. Un objet de projection, de fascination, d’identification par le biais duquel tout un chacun transporte son imaginaire… comme le fait le diamant.

Cette approche en miroir se décline dans les toiles que tu as réalisées ? Par exemple dans le portrait de Thomas Hope ?
Hope est un personnage assez ambivalent, un homme fortuné, mécène et humaniste qui porte le nom d’espoir mais qui a aussi fait l’acquisition de ce diamant de manière un peu louche. Mais plutôt que d’évoquer ces aspects de manière frontale, j’ai préféré les jeux de miroir. Le portrait que j’ai peint de Thomas Hope a en fait été exécuté d’après un buste. Peindre une sculpture, c’est une idée qui me plaît de la même manière que je peins cette gemme. Elle évoque Violet de France sans la représenter. C’est une pierre brute, un caillou, l’image d’un double, qui peut ressembler aussi bien à un chewing-gum qu’à un joyau astral ou à tout à fait autre chose. C’est à la fois une source de lumière dans le tableau et un objet qui prend la lumière. C’est un filtre, une surface, une profondeur, une présence fantomatique.

Un peu comme l’un de tes motifs récurrents, le palmier ?
Pour moi, le palmier fonctionne comme un logo, un symbole, quelque chose d’à la fois familier, fascinant et exotique… finalement un faux-semblant assez mystérieux. Ça ressemble à un arbre mais c’est une plante. Visuellement c’est très contemporain et pourtant c’est préhistorique. Structurellement, les feuilles simulent une sorte d’explosion qui retombe instantanément. J’aime cette dimension entre attraction et gravité, entre attirance et répulsion… une forme de glorieuse désolation en somme.

Finalement, ce qui t’intéresse, c’est te détacher de la source ?
Oui. Peindre ce que serait l’idée d’une palme par exemple plus que la palme en soi. Il y a une histoire qui nous échappe toujours, on ne peut jamais tout saisir dans sa globalité et ce n’est pas grave parce que la réalité embrasse toujours plus qu’on ne peut l’appréhender. Je m’amuse à combiner simultanément différentes typologies, je fais rencontrer sur la toile différents sujets, issus de ma propre histoire ou de l’histoire collective… Ces éléments se côtoient, sont présents sans être visibles. On les pressent. Il faut se fier à son intuition, car il n’y a pas de message, juste l’envie d’offrir des espaces de projection personnels. Si je n’ai pas pratiqué le design graphique que j’ai étudié pendant un certain temps, c’est justement pour échapper à l’autorité des images construites.

Propos recueillis par Anna Maisonneuve

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